
Nous étions assis côte à côte sur un roc d’une falaise de Cerbère*, frontière franco-espagnole.
Dans le vide, nos pieds se balançaient à l’unisson, tapant nos talons contre la roche en imitant le son des basses du Danube bleu de J. Strauss*. J’avais des Converses* noires pourries aux lacets jaunes. Il avait des Dog. Martens* noirs, propres comme un sou neuf*. Sous le mouvement de la tramontane*, quelques mèches de nos cheveux sales et salées faisaient office de caresses d’aiguilles de pins sur nos joues.
Il était beau. J’avais honte de le trouver séduisant.
Finalement, mon regret serait de ne jamais avoir été sienne.
Depuis deux mois, j’étais payée, très bien, pour être à ses côtés 24 h/24 afin de le dissuader de son projet.
Il le savait.
Enfin, je crois...
Dépourvue d’arguments solides et professionnels, je lui disais qu’il comptait énormément pour moi.
C’était faux.
Je mentais.
Je savais que j’allais échouer. Sa décision était prise.
Je refusai l’entièreté des faits de son projet.
Cependant, et malgré les circonstances qui entouraient cette affaire, je ne pouvais qu'ignorer les tenants et aboutissants.
Provenant de la nuque de Jérémy, l’air marin taquinait mes narines en m’imposant son odeur comme une offrande : une brise d’essence de coquillage.
De cette brise d’essence de coquillage jaillit la quintessence de son ADN, le pétrole.
Plutôt le mazoute fraîchement brûlé saupoudré de poussière de cacao. En le regardant à son insu, j’avais l’impression d’avoir la moustache après avoir savouré une tartine de beurre trempée dans un bol de Banania* préparé par ma mère qui devait sûrement avoir ses règles à ce moment.
Ce n'était que ma madeleine de Proust* enfouie dans mes entrailles.
Jérémy avait le don de me plonger dans mes souvenirs et de faire revivre mes ressentis déniés. En l’écoutant, j'avais l’impression que l’humain évoluait jusqu’à sa mort en asphyxiant ses raisons. En écoutant le silence de ses mots, mon intuition primitive m’oblige à atterrir en catastrophe dans mes lacunes pour en conclure :
Mon ignorance n'est que déni.
Au début, il me semblait bien moche.
Maigre comme un filet de morue salé.
Long comme un jour sans pain, alors que son visage orné de spots comme le plafond d’une discothèque des années 80 me plongeait 40 ans en arrière.
J’aimais ma vie. Je cultivais l’innocence de pucelle. D’ailleurs, j’en joue encore. Dès mon plus jeune âge, j’avais compris l’importance d’appartenir à un clan : 'Bobo de gauche' ‘Alcoolo mondain’ ‘ Héritier de bonne famille’ ‘Fils de’ ‘Maîtresse d’Assureur et putain des experts en immobilier’…
J’avais choisi d’être un électron libre, quitte à me casser les dents.
Je suis édentée au plus bonheur de mon dentiste rue Mailly*, du vieux Perpignan*.
Je crois que j’aimais Jérémy. Mes sentiments s’emmêlaient comme le jaune et le bleu de la palette de Magritte* pour créer le vert de sa pomme*.
Jérémy était un homme.
Un futur homme comme nous les femmes, nous les aimons :
Sûr de lui, la tête sur les épaules, la capacité de prendre et d’entreprendre l’autre.
Tenir en considération l’autre. Des idées claires, nettes, précises et explicites. Une fois la décision réfléchie, aucunes excuses, ni doute, ni explication ne lui feraient changer d’avis.
Ainsi fut le projet de la naissance de Zeus*.
N'est-ce pas ?
Aujourd'hui, la plupart des femmes sont paumées sans les Jérémy.
Entre les mecs avec des couilles qui se disent être des hommes enceints, on s'y perd…
Entre les mecs qui enculent nos princes, ont beugue, on ne sait plus ….
Pathétique, nonobstant réel.
Étant cérébral, j’avais la sensation que Jérémy utilisait sa logique en guise de rut à mon égard.
Ce n’était qu’une de mes masturbations neuronales.
Que nenni!
Comme je l’ai dit, j’étais bien payée pour dissuader Jérémy de réaliser son projet.
J’avais l’impression d’être une pute, une salope qui n’a pas su faire bander son client.
Être payée pour soudoyer autrui.
Tel était mon job.
Tel est toujours mon job.
Du haut de la falaise de Cerbère*, je laisse le temps œuvrer son passage quitte à qu'il soit à vide.
À cet instant, je souhaite que Jérémy fasse selon sa décision.
Je ne le discuterai pas.
Je ne le discuterai plus.
Je vais le soutenir.
Telle est sa décision.
Telle est ma décision.
Je n’ai aucun droit de m’imposer, quand bien même que je sois bien payée.
Je vais l’aider à ce que son projet prenne le jour.
Du moins, je ne m’y opposerai pas.
Je ne m’y opposerai plus.
— « Jérémy. Ferme ta gueule. Tais-toi. Laisse-moi parler. Ne m’interromps pas.
Je reprends mon souffle.
Je lâche ma sauce à l'identique d'une éjaculation masculine. précoce maladroite et spontanée,
J’ignore si je t’aime, mais…
Oui ! Mais !
Je t’aime pour ce que je vois dans ton toi.
Je vois un dessin de toi qui sublime de l'essaim royal …
C'est divin !
Je t’aime parce que depuis que je te connais, je n’ai plus peur des abeilles ni des guêpes.
Je t’aime parce que depuis que je te connais, je n’ai plus peur de faire l’amour avec la vie.
Je t’aime parce que depuis que je te connais, je sais que j’ai de la chance d’être sollicitée, ne serait-ce que pour passer la wassingue*.
Je t’aime parce que depuis que je te connais, je… tout simplement… je me sens belle…
Je crois…
Jérémy !
Je pense t’aimer, car tu sais t’aimer.
Tout simplement.
Après ?
Bah, j’ai pris la main de Jérémy quelques secondes, puis, Jérémy a sauté la falaise de Cerbère*.
Jérémy est mort sur le coup : sa tête fracassée sur les rocs du rivage de Cerbère*.
Plof!
Craschhhh!
Pfaschhhhh!
1° Point:
-Jérémy n'aurait jamais dû être né.
Le suicide était la logique.
Il n’y avait ni solution ni médicament pour sa souffrance.
Sa maman aura du mal à le comprendre.
Jérémy est né dans le but de se suicider tellement son abstrait lui faisait mal.
2°Point.
Mon métier ne me permet pas de dire que le suicide n’est pas néfaste.
Il n’est que délivrance.
Le suicide est une finalité de l'humain.
Amen*.
Inchallah*.
Moi ?
Une psychologue…
Disons une charlatane* qui convoite ‘les mondains*’ …
Dédié aux Papas et Mamans;
André+ Evelyne.
Raymond+ Marie-Anne.
Jean-Marie+ Jessica.
Enzo+Nathalie.
Et les autres....